Yan Morvan

Champs de bataille

« Pourquoi et comment photographier la guerre ?
Volonté d’informer, de participer au mouvement de l’histoire ? Comment raconter l’inracontable – les images d’horreur succèdent aux images d’horreur. La spectacularisation du monde par la télévision, la presse, Internet et l’information en temps réel ont entamé notre capital d’empathie et notre faculté à nous émouvoir du malheur des autres.
En 2004, avec une chambre photographique Deardorff 20 × 25, je commençais une série sur les lieux de batailles. Ces lieux racontaient-ils encore l’histoire ?
Sans céder à l’émotion brute, je voulais m’adresser à la conscience, montrer par des paysages parfois anodins une “géographie” de la démence humaine.
Je recherchais une autre manière de témoigner d’une réflexion sur l’image et de la réalité de la guerre. J’ai commencé à photographier les champs de bataille de France, les plages du débarquement, puis ceux de l’Europe, notre famille qui s’est si souvent déchirée. Mon projet est ambitieux : montrer la terre sur laquelle les hommes se sont battus, raconter l’histoire, réfléchir sur cette pensée d’Héraclite :
“Conflit / est le père de tous les êtres, le roi de tous les êtres / Aux uns il a donné forme de dieux, aux autres d’hommes, / Il a fait les uns esclave, les autres libres.” (Fragment 53) “Il faut connaître / que le conflit est commun [ou universel] / que la discorde est le droit / et que toutes choses naissent et meurent selon discorde et nécessité.” (Fragment 80)
J’ai parcouru les champs de bataille d’Europe et de l’océan Pacifique, d’Afrique, d’Amérique, d’Asie. Certains sites sont dûment répertoriés, balisés, d’autres méritent un travail minutieux d’enquête et de localisation – certains États ne semblent pas désireux de commémorer les défaites ou bien sont amnésiques… »

Yan Morvan

 

Marco Zappone : Pendant des années, tu as photographié la guerre, publiant de nombreuses images de dévastation et de violence, de bruit et de fureur. En les regardant nous parvient le son assourdissant des tirs et des bombes qui s’abattent, avec acharnement.
Yan Morvan : Champs de bataille, c’est plus calme…
Marco Zappone : Ce titre évoque la guerre mais par métonymie, elle eut lieu et n’est plus dans ces paysages que tu photographies aujourd’hui. Depuis quelques années maintenant, tu t’adonnes à une véritable campagne photographique, voyageant à travers les continents et les époques, d’une guerre à une autre. Pourquoi photographier ces lieux qui furent les décors de la guerre et qui parfois en portent les stigmates ?
Yan Morvan : Tous ces territoires, fixés dans le temps avec une chambre photographique, nous montrent toujours et encore la vanité de l’homme, son désir de pouvoir, de puissance, et partout, à Carthage, Austerlitz, Verdun… ces paysages blessés dessinent l’œuvre de destruction de l’humanité inexorablement recouverte par le silence et la puissance de la nature. Ces Champs de bataille sont autant de témoignages d’une nature intemporelle, rappelant à l’homme sa condition universelle de « passant ».

Yan Morvan et Marco Zappone – Entretien (extrait).

Photos de Yan Morvan

Textes de Gaëlle Maïdon et Sarah Bertin

660 pages – 430 images

 

Édition courante :
26 x 32 cm, 69 €
ISBN: 978-2-36398-012-0

 

Édition luxe :
30 x 37.5 cm, 450 €
ISBN: 978-2-36398-011-3

 

Tirages de tête :
90 exemplaires avec un tirage original,
30 x 37.5 cm, 800 €
ISBN: 978-2-36398-013-7

 

Novembre 2015

 

 

 

 

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Yan Morvan

Champs de bataille

Pourquoi et comment photographier la guerre ?
Je me suis posé cette question pendant vingt ans de correspondance de guerre.
Volonté d’informer, participer au mouvement de l’histoire, forcer le destin ?
Alors, comment raconter l’irracontable – les images d’horreur se succèdent aux images d’horreur. La spectacularisation du monde par la télévision, la presse, internet et l’information en temps réel ont entamé notre capital d’empathie et notre faculté à s’émouvoir du malheur des autres.
En 2004, avec une chambre photographique Deardorff 20*25 je commençai une série sur les lieux de bataille. Ces lieux racontaient-ils encore l’histoire ?
Sans céder à l’émotion, je voulais m’adresser à la conscience, montrer par des paysages parfois anodins une « géographie » de la démence humaine.
Je souhaitai rechercher une autre façon « visuelle » d’apporter un témoignage et une réflexion sur l’image et la réalité de la guerre.
J’ai commencé à photographier les champs de bataille de France, Verdun ou j’ai retrouvé des photos de mon grand-père en uniforme de tirailleur. Puis ceux de l’Europe, notre famille qui s’est si souvent déchirée.
Mon projet est ambitieux, montrer la terre sur laquelle les hommes se sont battus, raconter l’histoire, « tenter » de percer l’homme dans sa vérité, et réfléchir à cette pensée d’Héraclite :
« Le combat est de tous les êtres le père, de tous les êtres le roi; il a désigné les uns comme dieux, les autres comme hommes, et il a fait esclaves les uns, hommes libres les autres. Il faut savoir que la guerre est commune, la justice une lutte et que tout devient dans la lutte et la nécessité. »
J’ai parcouru les champs de bataille européens et de l’Océan Pacifique, de Russie et d’Afrique du Nord en passant par les États Unis, au total plus de 120 territoires.
Certains sites sont dûment répertoriés, balisés, d’autres méritent un travail minutieux d’enquête et de localisation- certains états ne semblent pas désireux de commémorer les défaites ou bien sont amnésiques…
Toutes ces images n’ont jamais été ni exposées, ni publiées à ce jour, et ce projet est, au regard de mon « parcours photographique », une sorte d’investissement intellectuel et moral total.

Yan Morvan

 

 

 

 

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